Chaque fois que j’aperçois un malade mental, ce même sentiment de tristesse me remplit. J’observe son extrême solitude, son monologue, je le regarde parler tout seul, marcher seul…Et chaque fois qu’il s’approche d’un passant, ce dernier préfère s’éclipser. Certains s’en éloignent, pour éviter une réaction inattendue du malade mental, d’autres pour ne pas inhaler l’odeur que dégage le “fou” (pardonnez-moi cette expression triviale).

Pour ces malades mentaux, les jours passent et se ressemblent. Ils dorment à la belle étoile, mangent dans des poubelles, fument des mégots de cigarettes jetés… bref, la vie de ces malades mentaux des rues a fini par ne plus choquer la société. Ces malades sont malheureusement devenus invisibles. La question que je me suis toujours posé, c’est de savoir s’il y a en Côte d’Ivoire une politique visant à prendre en charge ces malades mentaux qui errent dans les rues. Et je crois avoir ma réponse. Chaque quartier d’Abidjan connait au moins un malade mental qui y est depuis des années.

Dans le quartier de Koumassi-Remblais où je travaille, je me suis habitué à voir passer deux malades mentaux. Et cela dure depuis au moins huit ans. Jamais je n’ai vu un service de l’Etat les approcher pour tenter de leur apporter assistance. Pour avoir cette assistance des hôpitaux psychiatriques, les parents, avec tous les risques que cela comportent, se doivent d’y emmener leur malade. Au risque de le voir élire domicile dans les rues. A ces efforts des parents de malades, les obstacles se dressent. La prise en charge n’est pas toujours efficiente.

Que dire du nombre insuffisant de places pour accueillir ces malades? On comprend aisément pourquoi de nombreux parents se tournent vers des camps de prière et autres lieux de guérison traditionnelle. Les résultats d’une enquête menée sur une période de douze mois par le Programme national de santé mentale (PNSM), en 2020, ont révélé qu’en Côte d’Ivoire, il  y a  541 structures non conventionnelles spécialisées en santé mentale, contre seulement 35 établissements conventionnels. Ces 541 structures non conventionnelles sont composées de 326 camps de prière chrétiens, 127 centres de guérison traditionnels, 29 centres roqya (centre ésotérique musulman) et 59 centres de phytothérapie. En cette journée internationale de la santé mentale, ces chiffres devraient faire réfléchir…